Les hasards de la publication font se succéder 2 enregistrements liés à la " thématique " des diminutions dans la musique ancienne. CDs aussi enthousiasmants et aboutis. Ainsi j'attirais le mois dernier l'attention sur le Seicento ! de l'ensemble de E. Onofri. Il est ici fraternellement et festivement prolongé par l'Estro d'Orféo de L. de Lera, où l'on retrouve d'ailleurs d'autres oeuvres de 5 des compositeurs de l'autre enregistrement. L'art de la " diminution " consiste à remplir par des notes brèves l'intervalle entre deux notes longues de hauteurs différentes, selon des combinaisons multiples mais qui font l'objet d'une codification. On est à la fois dans l'ornementation et dans l'improvisation et la saveur si spéciale de ces pièces, leur éclat, leur beauté, leur jaillissement permanent, leur ivresse, sont largement redevables à la maîtrise de cet art de l'engendrement dans l'engendrement. Deux différences entre ces productions : ici, l'instrumentarium est un peu plus fourni ou un peu plus " alternatif " : des violes (dont une, au son prenant, dite viole bâtarde) au lieu du violoncelle baroque, une guitare à la place d'un archiluth, deux violons au lieu d'un. Si Onofri propose une anthologie d'oeuvres toutes " existantes ", les 5 (au lieu de 4) interprètes, se risquent ici, pour illustrer la pratique des diminutions, à en composer eux-mêmes d'après des exemples empruntés à des partitions de l'époque. Le résultat est somptueux : richesse prodigieuse des timbres, contrastes surprenants, élans et rebondissements à l'intérieur desquels trouvent à s'inscrire des stases d'extase planante. Le violon est, comme dans l'autre disque, merveilleux d'entrain, d'audace, de folie. Le doux se mêle au rauque, les sons s'égrènent et se précipitent dans un bonheur constant. Là, encore, un récital splendide, qu'il faut ajouter à celui d'Onofri. (Bertrand Abraham)